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LE GROUPE FRATERNITE-MATIN AUX PORTES DE L'AN 2000



Dix mille numéros! L'on ne mesure pas suffisamment ce que cela représente véritablement pour un journal. Cette performance de Fraternité-Matin est une exception sur ce continent où la presse écrite, depuis le départ, n'a pas toujours su s'insérer dans l'environnement général, encore moins s'adapter aux évolutions socio-économiques indispensables à sa survie. C'est ainsi que de nombreux quotidiens créés en Afrique francophone avec l'appui de la France à l'immédiat après-indépendance ont, soit purement et simplement disparu, soit sombré dans une totale léthargie. Dans le lot des journaux édités dans l'euphorie, Fraternité-Matin a non seulement survécu aux multiples aléas, mais il a prospéré grâce au soutien global des pouvoirs publics et singulièrement à une bonne politique de gestion et de diversification. L'effort éditorial des pionniers, depuis Laurent Dona-Fologo jusqu'à Michel Kouamé, en passant par de nombreux autres acteurs connus ou anonymes, a bénéficié d'un environnement économique propice. Les exemples fourmillent qui prouvent que l'alliance entre un pôle éditorial fort et une bonne capacité autonome de gestion, a été la clé de ce succès.

L'imprimerie du groupe Fraternité-Matin, la SII a su, ainsi, fonctionner comme un véritable centre de profit, grâce à l'innovation technologique et à la gestion rationnelle. Les procédés de fabrication utilisés par la SII ont été pendant longtemps uniques dans toute l'Afrique. Mieux, ils ont suscité beaucoup d'intérêt, il y a une trentaine d'années chez les imprimeurs européens, dont beaucoup avaient accusé du retard. Mais la réussite du groupe aura été la recherche de rentabilité de ses installations destinées à l'origine à imprimer le seul quotidien Fraternité-Matin. D'avoir su créer de nouvelles ressources financières en utilisant cette imprimerie intégrée, pour le labeur et les travaux extérieurs, est sans doute possible, à mettre à l'actif du groupe. Ce n'est pas tout: bien que propriétaire de son imprimerie, Fraternité-Matin ne se contenta pas d'imprimer à tour de bras de nombreux, mais institua un système de facturation interne entre, d'une part la SPECI, société éditrice et la SII. L'une agissant comme prestataire au service de l'autre, afin d'éviter toutes les dérives de consommation susceptibles de fausser les coûts de revient.

Deux décennies après, bien que la fusion soit intervenue entre SPECI et SII pour donner naissance à la SNPECI, les deux métiers continuent d'être considérés comme des centres de profit. L'impression demeure une activité rentable dont les profits continuent de soutenir l'ensemble. Outre les deux quotidiens, Fraternité-Matin et Ivoir'Soir, la SII imprime de nombreux autres journaux: La Nouvelle République, La Voie, Actuel, Le Démocrate, Top Visages, Match Week-end, le Réveil Hebdo, le journal Mimosas, les Aiglons etc. Sans que cela relègue au second plan les livres scolaires, (près de 2 millions de volumes), divers autres documents, tels que les rapports annuels ou encore les agendas et les calendriers. Tout cela fait de la SII un des pôles d'impression les plus significatifs du continent. Cela, on le savait. Mais depuis la dévaluation, l'idée d'imprimer en Afrique au moindre coût, dans des conditions techniques optimales, s'impose à des éditeurs étrangers de France et du Canada notamment, qui voient tout le parti à tirer de ce savoir-faire de la SII. Ce qui a justifié des investissements complémentaires dans la chaîne de production. Bien qu'une vive concurrence s'installe dans ce secteur des arts graphiques, surtout le segment du livre scolaire, le savoir-faire de l'imprimerie de Fraternité-Matin reste un avantage décisif qui place la Côte d'Ivoire au tout premier rang en Afrique.

Diversification éditoriale

La recherche de ressources nouvelles a toujours été au coeur de la stratégie du groupe. Elle s'est traduite par une offre éditoriale, et ce, bien avant l'avènement de ce que l'on a appelé le "Printemps de la presse". Le groupe Fraternité-Matin a ainsi créé Ivoire Dimanche, un magazine de société dont les Ivoiriens gardent encore la nostalgie, les spéciaux Indépendance, Agriculture, Industrie etc. Le groupe prendra et réussira l'audacieux pari de lancer le premier quotidien du soir en Afrique: Ivoir'Soir qui continue sa route, pourrait bien apparaître comme la meilleure idée de presse jamais concrétisée sur le continent. Certes, tout ne fut pas facile et aujourd'hui encore la vie des titres reste tributaire des humeurs de la publicité, donc de l'économie nationale. Mais la volonté de diversifier, dans le but de maintenir l'équilibre d'ensemble est loin d'être émoussée. Si un titre comme le Guido a été mis en veilleuse _ son lectorat composé essentiellement d'expatriés s'étant effiloché au cours des années passées_, la création prometteuse de Stades d'Afrique, vient confirmer que la "monoculture" n'est pas une tendance prisée au sein du groupe. Que, bien au contraire, le groupe reste à l'affût de toutes les opportunités qui lui permettent à la fois d'assurer sa mission d'informations dignes sur le pays, tout en ayant à l'esprit les impératifs économiques et commerciaux.

Partenariats

Dans ce même souci de diversification, Fraternité-Matin a très tôt noué des alliances stratégiques, qui ont conforté sa position économique et son influence. Le groupe, en partenariat avec Havas et d'autres a été un des propriétaires d'Ivoire Média dont il a possédé jusqu'à 33% du capital. Aujourd'hui, la SNPECI dispose de sa propre régie intégrée, mais elle a tiré profit de toutes ces alliances.

C'est également le cas de l'association avec Edipresse, Fraternité-Matin possède 50% des parts de cette société de distribution dont les spécialistes s'accordent à dire qu'elle est la mieux structurée et la plus efficace de toute l'Afrique. C'est que la SARL Edipresse bénéficie de l'expérience de deux leaders mondiaux que sont le groupe Hachette et les NMPP (Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne), qui détiennent l'autre moitié des parts. Ce partenariat et d'une importance capitale pour le groupe Fraternité-Matin. Et, au-delà pour toute la distribution de presse en Côte d'Ivoire. Ce secteur en effet, est dérégulé, mais exige une capacité logistique et un savoir-faire certains. C'est d'ailleurs parce que Fraternité-Matin est le premier fournisseur de "marchandises" d'Edipresse que ce partenariat est particulièrement apprécié par les NMPP. D'un autre côté, les NMPP peuvent se prévaloir de la diffusion de toute la presse française et européenne en Côte d'Ivoire. C'est donc un partenariat très fructueux pour les deux parties. Edipresse distribue chaque année des dividendes substantiels à ses propriétaires dont le groupe Fraternité-Matin. Leur apport conjoint à l'édification d'un système de distribution est un fait. Et il n'est guère difficile de trouver des justifications économiques et politiques pour qu'une telle alliance se poursuive et même se renforce. Ainsi, un journal continuera-t-il d'être vendu au même prix aux quatre coins de la Côte d'Ivoire.

Enfin, parce qu'il a la volonté de garder un rôle important dans la chaîne graphique de l'édition à la diffusion, le groupe Fraternité-Matin a pris, symboliquement, des parts dans le capital des éditeurs importants de livres. Ce faisant, il reste fidèle aux directives de l'Etat, qui ne peut subventionner toutes les entités sous tutelle, mais donne la possibilité de diversifier les ressources, sans trahir la mission générale.

Au moment où le groupe publie le dix millième numéro de son quotidien (le 1er numéro est daté du 9 décembre 1964), il n'est peut-être pas vain que tout cela soit rappelé, pour expliquer que le groupe Fraternité-Matin s'inscrit dans le continuum des évolutions et des adaptations de la Côte d'Ivoire. L'histoire de Fraternité-Matin se confond en effet avec la grande histoire de la Côte d'Ivoire. Préparer les journaux de l'an 2000, moderniser l'entreprise Fraternité-Matin en préservant son équilibre: voici deux axes de travail passionnants.

IBRAHIM SY SAVANE

DIRECTEUR COMMERCIAL DU GROUPE FRATERNITE-MATIN


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